par Paul Boisvert, PhD
Santé Canada resserre les exigences quant à la composition et à la mise en marché des boissons énergisantes (que l’on devrait appeler plutôt boissons stimulantes). Par exemple en modifiant la catégorie de ces produits qui passent de « produits de santé naturels (PSN) » à « aliments ». Ce changement forcera les fabricants à identifier les ingrédients des boissons énergisantes et à afficher le tableau de valeur nutritive sur les emballages. En plus de contrôler la teneur en caféine, ces dernières devront désormais divulguer l’information requise quant à leur contenu et à la clientèle visée.
Hors, comment se fait-il que lorsque considéré comme un aliment, les boissons énergisantes seront autorisées à ajouter de la caféine alors que ce n’était pas le cas avant? Tel que je l’expliquais lors de mon entrevue sur les ondes du FM 93 le 7 octobre, rappelons qu’au Canada, les seules boissons ou aliments autorisés à ajouter de la caféine étaient les colas? De plus, les seules boissons énergisantes acceptables étaient celles fabriquées avec des ingrédients contenant naturellement de la caféine, comme le guarana, ou approuvé comme un produit de santé naturel (PSN). La réponse est simple: Santé Canada a soudainement autorisé en mars 2011, sous la pression de l’industrie, l’ajout de caféine dans toutes les boissons sucrées. Bien que les aléas de la politique soit difficiles à comprendre, dans ce cas-ci, le timing semble parfait!
Il faut aussi rappeler que les boissons énergisantes sont en fait des boissons sucrées, avec la même teneur en sucre que les boissons gazeuses, soit 9 cuillérée à thé de sucre dans une canette de 250 ml, soit 140 calories. Et on connaît déjà l’incidence de la consommation des boissons sucrées sur la prise de poids, l’obésité, la diabète et les maladies cardiovasculaires.
Voici d’autres modifications apportées :
- Ottawa impose aussi un plafond de 180 mg de caféine par canette, l’équivalent d’un gros café. La plupart se conforme déjà à cette limite, même les grands formats.
- Les canettes devront contenir des avertissements de santé publique, comme celui de ne pas combiner boisson énergisante et alcool.
- L’étiquetage devra aussi préciser que le produit est déconseillé aux enfants, aux femmes enceintes et à celles qui allaitent.
- En autant que ces avertissements soient lisibles, ce qui n’est pas le cas en ce moment!! Sinon, personne n’en sera vraiment conscient.
Des changements insuffisants?
Le comité consultatif d’experts proposait plutôt de rendre obligatoire l’énumération des effets secondaires possibles et même d’interdire la vente des boissons énergisantes aux enfants, dont la consommation quotidienne maximale recommandée de caféine est de seulement 80 mg, soit le contenu d’une petite canette. On constate que la teneur élevée en caféine et en sucre, ainsi que l’acidité des boissons énergisantes comportent des enjeux potentiels pour la santé des enfants et des adolescents : intoxication à la caféine, troubles du sommeil, anxiété, palpitations, problèmes de santé dentaire, excès de poids, etc.
Observons tout d’abord les effets de cette nouvelle règlementation, et surtout documentons scientifiquement les conséqueneces de la consommation de ces boissons, puis le comité pourra toujours revenir à l’attaque plus tard, tout comme l’a fait avec le tabac la coalition contre le tabac.
Les experts recommandaient également de considérer les boissons énergisantes comme une « drogue stimulante » et d’en restreinte l’accès. Le terme « énergisant » étant un terme de marketing proposé par l’industrie et ne reflète pas les propriétés réelles de ces boissons.
Ottawa ne s’est pas davantage plié aux demandes de groupes qui réclamaient des
restrictions des publicités destinées aux adolescents et aux enfants, le principal groupe ciblé par l’industrie dans son marketing et en plus des sportifs et des adeptes de sports extrêmes. En effet, les stratégies de commercialisation suscitent des questionnements quant à l’attrait d’une jeune clientèle, à la
normalisation d’une consommation fréquente de quantités importantes de caféine et de sucre, et à la
banalisation de l’usage de substances stimulantes à des fins récréatives ou de performance.
Santé Canada a plutôt décidé de s’en remettre à l’industrie pour qu’elle renforce ses pratiques en matière de publicité (code de conduite). Pourtant on connaît les ratés de l’autorégulation de l’industrie sur une base volontaire.
Une consommation excessive de ces boissons, particulièrement en soirée, et souvent mélangé avec de l’alcool, peut avoir des répercussions sur la santé des jeunes: troubles de l’humeur, baisse de la qualité du sommeil, fausse sensation d’éveil, ce qui peut être dangereux combiné à la conduite automobile.
Les boissons énergisantes ne sont pas recommandées non plus chez les sportifs. En effet, la caféine et le sucre liquide ne font pas bon ménage avec la performance sportive. L’Association des médecins spécialisés en médecine sportive avait émis un avertissement à cet égard l’an dernier.
Entrevue de Paul Boisvert au FM 93 avec Sylvain Bouchard 7 octobre
Source: Reportage à Radio-Canada, Sympatico, La Presse.
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Paul Boisvert, PhD, docteur en kinésiologie
Coach Minceur en perte de poids santé
Expert-analyste sur l’obésité, la saine alimentation et l’activité physique
Apercu